…et il ne sera plus le seul. Nous terminerons les dossiers en cours par respect pour nos clients qui nous ont consultés avant que le gouvernement par l’intermédiaire de Madame Taubira passe en force une réforme scandaleuse de  l’aide juridictionnelle. Nous en faisons très peu mais nous n’en ferons plus. La profession supprime les désignations d’office les avocats doivent renoncer à déposer des dossiers d’AJ hormis ceux qui sont en cours et dont nous avons accepté le principe jusque fin 2015. Si nos clients trainent pour constituer les dossiers de prise en charge rapidement, nous ne les prendrons plus.

Nous évoquions les risques de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2016  qui a été adopté le 15 octobre 2015 en l’état par l’Assemblée nationale.

Il va se traduire concrètement par le prélèvement de 15 Millions d’euros sur la profession pour les années 2016 et 2017.

Faire financer les missions de service public par les avocats, voilà la solution de Madame Taubira sauf que nous ne  sommes pas des fonctionnaires et qu’il s’agit de notre argent. C’est donc une spoliation pure et simple de fonds privés puisque cette loi organise des prélèvements sur nos CARPA, (caisses de règlement pécuniaires des avocats), qui nous permettent déjà d’organiser de nombreuses missions comme les consultations dites « gratuites » grâce à la capitalisation des fonds collectifs placés pour ce faire mais aussi tout l’administratif  que ces missions diverses entraînent pour les Barreaux. Ce sont de nobles missions qui ne pourront plus être effectuées.

On peut lire les débats ici, qui ont commencé à 21h30 par priorité sur l’article 15 à la demande du gouvernement. Ils sont édifiants.

La ministre de la justice explique que le budget était « de 336 millions d’euros quand nous sommes arrivés aux affaires. Nous avons supprimé le timbre de 35 euros, qui entravait l’accès au juge et à la justice. Nous avons compensé la mesure en abondant la dotation d’aide juridictionnelle des 65 millions que rapportait le timbre, et nous avons régulièrement augmenté la dotation. De fait, avec un budget de 405 millions cette année, et de 475 millions l’an prochain, nous l’aurons augmentée de 180 millions d’euros, compte tenu des 60 millions de compensation du timbre. Elle oublie de dire au passage qu’en appel le timbre est passé de 150 à 225 euros et prive d’appel bien des justiciables.

Elle trouve normal de taxer et s’arroger des fonds privés dont nos cotisations pour faire fonctionner le système. Comme l’a fait remarquer le député Charles de Courson devant la commission des finances : « … Et que penseriez-vous de taxer les enseignants pour financer l’éducation nationale ? » et les magistrats, les greffiers pourrait-on ajouter !

Les justifications sont peu claires. En gros, on peut retenir qu’on prend l’argent où il est en disant n’importe quoi. C’est du racket comme l’a dit un député. Le droit n’est pas respecté par ceux qui nous gouvernent.

Le Conseil National des Barreaux relève même dans ses propos des allégations mensongères comme de dire : « On m’a indiqué qu’elle (la profession d’avocat) aurait donné son accord pour une taxation du chiffre d’affaires à partir d’un seuil. Dont acte ». Or, le CNB relève que la profession n’a jamais donné son accord pour une taxation du chiffre d’affaires des cabinets, proposition qu’elle a toujours au contraire refusé.

Qu’il n’y ait plus d’argent dans les caisses de l’Etat est une réalité mais au lieu de faire des efforts louables, on augmente les dépenses publiques et pas celles de la solidarité. Non, on augmente le nombre de fonctionnaires, les frais de ceux-ci qui sont mal contrôlés comme de taxis et de transport divers et même de soi-disant cadeaux de réception qu’ils s’arrogent et nos parlementaires ne sont pas en reste pour donner des leçons. Il est beau l’exemple d’en haut. Trop, c’est trop !

Faire financer l’accès à la justice par nous avocats en relevant les seuils du niveau d’accès à l’AJ totale à 1000 euros (le seuil de pauvreté serait estimé par l’INSEE à 987 euros et pas à 1000), ce qui augmentera l’accès déjà selon Madame Taubira  à 100 000 personnes de plus et en relevant aussi le seuil d’Aide partielle qui passe de 1411 à 1500 euros, ce qui augmente le nombre de justiciables également qui peuvent y prétendre à nos frais si nous acceptons de travailler à l’AJ.

Au regard de la situation économique de la France qui ne cesse de se dégrader, c’est clair que le système va imploser mais du fait de notre ministre et pas de ses solutions qui n’en sont pas..

Dès lors, il nous faut réagir car ce sont les droits de la défense qui sont attaqués et le droit tout court qui est bafoué.

Aucune profession ne peut travailler à perte. Déjà, la part de la gestion administrative dans le fonctionnement de nos cabinets ne cesse d’augmenter et de nous prendre un temps considérable non facturable.

Ce gouvernement cherche à nous spolier pour des missions que nous accomplissons déjà à perte.

Nous ne ne pensons pas que la grève totale soit la solution car le bras de fer que nous engageons avec le gouvernement depuis des années est perdu d’avance et encore plus, si nous nous appauvrissons en faisant grève générale. Nous sommes déjà descendus dans la rue maintes fois. Nous ne pouvons continuer à assumer les droits de la défense pour la gloire des principes quand il n’y a plus de solidarité nationale.

Cela ne sert pas plus les justiciables particulièrement ceux qui nous paient qui ne comprendront pas notre grève. Ce sera donc impopulaire et incohérent. Renonçons tous aux missions que nous acceptions qui nous ruinent car la conséquence sera beaucoup plus rapide avec l’envahissement des prétoires par des dossiers non préparés que les magistrats et greffiers auront à faire. Et ils apprécieront alors le temps anormal qu’il faut passer sur des dossiers qui nous font perdre plus de temps que les autres.

Ceux qui en seront victimes descendront dans la rue et leur nombre sera plus important que le nôtre. A la veille des élections régionales, ce sera plus efficace que quelque action que nous puissions entreprendre qui nous appauvrira un peu plus sans être comprise rapidement par nos concitoyens. Dans l’immédiat, tous ne sont pas justiciables et ils ont d’autres priorités afin d’éviter eux aussi de payer pour travailler car l’impôt est déjà devenu insupportable.

Nous, avocats, n’avons pas les moyens de cette politique seuls. Il faut se rendre à l’évidence pas plus que nous n’avons du temps à perdre sur des combats d’arrière garde.

Nous n’irons pas lundi à l’AG prévue à Lille car il n’y a pas de place dans les locaux pour ce faire et l’urgence de nos dossiers payants ou de la gestion administrative est là. Nous serons de tout coeur avec ceux qui s’y rendront et nous souhaitons faire partie des effectifs virtuellement. Nous soutenons une grève des missions d’aide juridique et de leur extension sans budget complémentaire alors que celui existant ne suffit pas pour les missions en cours mais certainement pas une grève générale qui nous empêcherait de travailler. Et résistons par tous moyens à la spoliation quitte à dépenser ce budget CARPA à la fois pour les confrères les plus démunis eux aussi qui vont subir les effets de cette politique désastreuse mais aussi en publicité informative pour nous laisser travailler en paix pendant ce temps au lieu de nous imposer une grève. Et pourquoi pas signer une pétition nationale sur change.org ?

Le système implosera, nous dit Madame Taubira, si nous ne faisons plus rien et alors, pourquoi pas ? Qu’il implose !

Le phénix renaîtra de ses cendres sur de meilleures bases car de toute façon, la situation actuelle n’est déjà pas acceptable avant spoliation. Qu’avons nous à y perdre ? Un « bidouillage » ne l’arrangera pas. Laissons le système s’écrouler puisqu’il n’est plus pris en charge, le gouvernement doit assumer ses choix seul.

A l’impossible, nul n’est tenu et personne ne peut nous en tenir grief.