Sur les deux rôles essentiels des avocats en matière de médiation 

En France, l’image d’Épinal des avocats renvoie trop souvent encore aux caricatures de Daumier où ils ne sont que gens de robe avant, pendant et après le procès. Malgré la fusion des activités d’avocat conseil et d’avocat plaideur au début des années 90, les médias renforcent encore aujourd’hui cette image en réduisant trop souvent parfois son rôle à celle de bretteur impénitent dans l’arène judiciaire à l’occasion de procès à sensation ou des « affaires ». Seules les séries américaines le montrent aussi en son activité primordiale et essentielle de Conseil hors prétoires, facette par essence moins visible car discrète et confidentielle qui représente la partie immergée de l’iceberg. 

C’est ainsi encore que les réformes judiciaires en cours laissent entendre à tort que privilégier une déjudiciarisation, c’est se passer du recours à l’avocat au profit du notaire. Et pourtant, qui mieux que l’avocat a l’expérience et la pratique du conflit amiable et judiciaire pour savoir conseiller utilement en amont sur les risques et les aléas des choix retenus hors conflit ?! Il est le seul à pouvoir offrir une palette de prestations aussi large et à pouvoir accompagner un client jusqu’au bout de sa démarche dans un cadre amiable et/ou judiciaire. Tout l’intérêt de consulter rapidement un avocat est précisément de se préserver du pire car mieux vaut prévenir que guérir. 

Ce sont les avocats qui ont développé les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits ouvrant une voie à une autre possibilité que la justice étatique sans pour autant s’en priver si nécessaire car une déjudiciarisation ne doit pas exclure le recours à un ordre juridique équitable et efficace répondant aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme. Il constitue le garde-fou d’une société démocratique. 

La médiation est au même titre que la conciliation et l’arbitrage un mode de résolution des conflits qui impose le recours à une tierce personne indépendante dite médiateur. 
Les techniques de médiation dès les années 1970 ont été développées par les avocats américains et ont été affinées notamment avec les notions de « gagnant/gagnant » et de « négociation raisonnée » au début des années 1980 pour poser un cadre et un processus de médiation moderne afin de sécuriser juridiquement la médiation tout en la rendant plus efficace. 

C’est pourquoi, les avocats sont donc les partenaires et/ou acteurs naturels privilégiés de la médiation selon qu’ils sont dans une activité de Conseil ou de Médiateur car la médiation concerne tous les domaines du droit hormis ceux qui se heurteraient à l’Ordre public. 

L’AVOCAT, ACTEUR DE MEDIATION EST MEDIATEUR 

L’avocat, qui a fait choix de suivre une formation approfondie à la médiation, est devenu un Médiateur à part entière. Quand il intervient dans le cadre d’une médiation conventionnelle ou judiciaire, il n’est pas en concurrence avec le Conseil habituel des parties en litige. Il n’est pas là pour se substituer à lui et ce, même si parfois, les personnes en présence sont tentées de le questionner mais aussi de rechercher son approbation. 
Le médiateur s’intéresse à la cause du conflit et au ressenti et pas seulement aux seuls effets à résoudre par une écoute active qui est une technique de facilitation à l’expression par une attitude (présence attentive, synchronisation, silences, signes d’écoute par la gestuelle par exemple) et un questionnement spécifique (questions ouvertes, fermées, reformulations, recentrage dans l’ici et maintenant, recadrage etc….) adaptées à la situation et aux personnes qui sont en médiation. 
Dans ce contexte, il doit avoir le souci de faire respecter un cadre précis (lieu, temps, aménagement de l’espace, pacte de non agression etc.) et il est le garant du respect des règles de fonctionnement de la médiation dont il doit rappeler les grands principes (l’exigence de sa neutralité et impartialité, la confidentialité et la liberté de pouvoir quitter la médiation à tout moment pour les parties mais aussi pour le médiateur). 
Et c’est ce cadre prédéfini qui lui permet de mener le processus de médiation qui obéit à ce modèle de négociation raisonnée en 4 étapes essentielles avec des variantes possibles.. 
Le rôle du médiateur vise à favoriser par la technique la poursuite ou la reprise du lien face à une rupture des relations en aidant les personnes en présence à analyser tous les aspects de leur conflit dans l’ici et maintenant. Il est un transmetteur, un catalyseur qui va permettre de favoriser l’émergence d’une solution qui sera la leur. 
Cela peut apparaître simple de prime abord mais la position de médiateur résulte d’une formation en droit, psychologie, sociologie, techniques de communication mais aussi d’un travail constant et continu sur soi-même pour dépasser les a priori et s’interdire de juger, de retraiter l’information reçue par son seul prisme. Ce n’est pas sa solution que l’on vient chercher, c’est une remobilisation différente en vue d’une solution viable mutualisée que les demandeurs à la médiation sont dans l’incapacité de trouver sans un médiateur professionnel car ils ne dépassent pas leurs positions de base. 

Pour autant, la médiation n’est pas une thérapie et n’a pas pour but d’inciter les personnes concernées à devoir revenir en médiation. Travailler dans l’ici et maintenant ne signifie pas du provisoire renouvelable ou interchangeable, l’objectif à atteindre pour les parties étant la pérennité des solutions trouvées. 
C’est au médiateur qu’il appartient de les reprendre par écrit pour sacraliser la parole donnée et signer l’acte avec elles mais il le renverra aux avocats pour la mise en forme juridique qui permet de valider ces accords. Cela dit, ce sont les parties qui décident ou non de rédiger un accord et de le transmettre pour le finaliser juridiquement et également de le faire homologuer ensemble devant un juge pour lui donner une force exécutoire. 

L’AVOCAT, PARTENAIRE DE MEDIATION EXERCE UN ROLE DE CONSEIL 

L’avocat a un devoir d’information et une obligation de conseil et c’est donc à lui qu’il appartient bien souvent en premier d’expliquer ce qu’est la médiation. 
Elle peut être stratégiquement un choix à proposer à ses clients. Si par exemple, il constate que le client voire l’adversaire ou les deux apparaissent être dans l’incapacité de dépasser leurs positions car encore dans l’émotion, le ressenti, le déficit de reconnaissance par des maladresses qui sont difficiles à rattraper par de simples explications rationnelles ou une solution purement juridique, la médiation est toute indiquée. 
Au mieux, la médiation, c’est gagnant/gagnant et au pire, c’est une absence de perdant de sorte que sauf à détecter une difficulté particulière, il a tout intérêt à favoriser la médiation et particulièrement quand le lien personnel ou commercial entre les parties doit être poursuivi. 

Si le moindre problème se pose en cours de médiation, le client doit pouvoir le consulter avant de recourir au juge directement pour identifier ce qui n’est parfois qu’une épreuve passagère dans l’évolution de sa position face au litige ou plus grave une sortie de la médiation. 
L’accompagnement de son client dans la démarche de médiation ne signifie pas sa présence à toutes les séances de médiation auxquelles il peut assister de principe. En aucun cas, un médiateur ne peut lui en interdire l’accès. Ce sont les parties qui décident et elles n’ont pas de ce point de vue à subir l’influence que ce soit du médiateur ou de leur avocat. Pour autant, il reste nécessairement en retrait mais cette présence peut apparaître favorable au cas par cas et à deux moments clefs de la médiation s’il y a doute, l’entrée et la sortie de médiation a fortiori si accord il y a à valider juridiquement pour le rendre exécutoire. Il semble se constater que cet accompagnement favorise la médiation par l’effet apaisant ou rassurant que le Conseil peut avoir face à des solutions qui se dégagent dont le client ne maitrise pas toujours simplement par subjectivité les avantages à court, moyen ou long terme. 
La médiation n’a pas vocation à dessaisir l’avocat du litige qui lui est soumis. Elle est simplement une chance de plus de s’exprimer en direct sans réserves car ce qui est dit doit rester confidentiel et ne peut donc être utilisé sans le consentement exprès des médiés. Le médiateur ne peut être appelé comme témoin. 

C’est dire que si certains avocats peuvent encore avoir des réticences à l’offre de médiation encore récente, c’est plus par méconnaissance ou mauvaise expérience de leurs clients. La professionnalisation de l’activité de médiateur est en marche mais elle n’est pas à ce jour une profession réglementée en Europe. Les objectifs d’harmonisation européenne sont limités sur ce point même si le contrôle de qualité est encouragé ainsi que l’élaboration de « codes volontaires de bonne conduite », ce qui est regrettable car force est de constater que tous les médiateurs n’ont pas à l’heure actuelle ce « formatage » déontologique spécifique des professions du judiciaire qui favorise une position de tiers indépendant. 

C’est bien pourquoi, les avocats ont un rôle fondamental à jouer en tant que partenaires et/ou acteurs de médiation dans l’intérêt premier de leurs clients. La médiation appartient au périmètre du droit. 
Ils doivent avoir le réflexe de la promouvoir. Si elle n’est pas la panacée universelle, elle permet « d’avancer dans un monde de droit » dont ils ne doivent pas s’exclure en sous estimant ses qualités. 


Dominique Lopez-Eychenié 
Avocate au Barreau de Lille 
Vice-Présidente de Nord Médiation.