Une polémique est née au détour d’une phrase prononcée sur une réforme prudhomale nécessaire par Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Justice, quelques jours après sa nomination lors d’une simple visite au Conseil des prud’hommes de Paris. Le journal « les échos » du 6 août reprend l’incident en relevant les propos tenus lors d’une interview et les interprétations qui s’en sont suivies: « Nous considérons que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner, a confié Jean-Marie Bockel aux  » Echos  » la semaine dernière.Les délais sont trop longs. Je sais que je n’ai pas de marge de manoeuvre importante – financière ou en termes de personnels -, mais on peut réfléchir à des simplifications de procédure. Faut-il préserver la conciliation ou pas ? »La question n’est pas tranchée, mais elle est sérieusement à l’étude, de même que celle de la suppression de l’oralité des débats, deux spécificités de la justice prud’homale (voir les échos ici ). << « Passer à la procédure écrite risque de déshumaniser les débats. Or, dans les litiges liés au monde du travail, la confrontation directe est capitale », estime Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. Même inquiétude au Syndicat des avocats de France (SAF) : « La suppression de la conciliation est en totale contradiction avec la volonté du ministère de développer les modes de résolution alternatifs des conflits. »Et du côté des partenaires sociaux. Le seul sujet inscrit par le Premier ministre à l'agenda social est en effet celui de l'organisation des élections prud'homales...>> Marianne 2 titre alors: « réforme des prud’hommes: veuillez protester par écrit » en indiquant tout le mal qu’il y a à penser aussi de la nouvelle procédure de rupture conventionnelle ici . Mon commentaire: En réalité, les propos tenus sont loin à mon sens d’être inconciliables dans l’intérêt réciproque bien compris des parties en litige car oui, il faut développer la pratique des modes alternatifs de résolution des litiges et la penser en d’autres termes que cette étape de conciliation qui existe à ce jour, laquelle ne ressemble plus à rien et déçoit tant les professionnels que les parties en litige. Quant à l’oralité des débats telle qu’elle est conçue actuellement, elle ne fonctionne pas bien et n’est pas un gage de sécurité et de garantie du respect du contradictoire, ce qui pose un réel problème de loyauté des débats. Proposer que la procédure soit écrite ne veut pas dire du tout qu’il n’y aura pas de débats oraux, ce que personne n’évoque dans ces articles de presse au risque de désinformer pour laisser penser que la procédure écrite prive d’oralité. Au contraire, la réforme de la procédure civile en vue permet une phase préalable où l’oralité reprend plus encore ses droits avant la phase finale comme actuellement avec la plaidoirie qui stigmatise la fin des explications de ce qui a été débattu puis écrit. Pourtant « les échos » reprennent en encadré l’article 11 de l’accord paritaire du 18 janvier 2008 sur le marché du travail: «il est indispensable de réhabiliter la conciliation prud’homale, en lui restituant son caractère d’origine de règlement amiable, global et préalable à l’ouverture de la phase contentieuse proprement dite devant le bureau de jugement. A cet effet, le demandeur adresse au défendeur l’objet de sa réclamation préalablement à la saisine du conseil de prud’hommes. […] Enfin, seule la constatation de l’impossibilité de parvenir à une conciliation par les juges ouvre le droit de saisir le bureau de jugement ». C’est bien la preuve que les partenaires sociaux, c’est à dire patronat et syndicats s’accordent sur le fait qu’il y a un problème et même un réel dysfonctionnement que les avocats et les magistrats ne peuvent que constater aussi. Soyons clairs et honnêtes sur le sujet. Il faut voir que la procédure de conciliation devant les prud’hommes est actuellement devenue un leurre absolu; c’est une étape formelle à laquelle plus personne ne croit même ceux qui tentent encore de vouloir concilier les deux parties et de trouver des accords à cette étape. Si par le passé, il y avait de réels essais de conciliation, il en va différemment et à mon sens, le constat d’échec est tiré un peu trop rapidement devant la moindre difficulté qui mériterait un vrai débat dépassant les positions affichées des parties. C’est tout à fait désolant mais c’est ainsi et il est vrai aussi que le temps manque pour l’instaurer sérieusement devant la juridiction prud’homale. Il est également dommage que lorsqu’on évoque une tentative de médiation, on puisse vous regarder avec étonnement parce que le simulacre de conciliation a échoué en se résumant parfois à « je veux un chèque de X euros » avec une réponse « non, parce que… » et une conclusion « au vu de vos positions éloignées, nous renvoyons devant le bureau de jugement ». Ce n’est plus du tout un débat permettant un règlement amiable, global et préalable à l’ouverture de la phase contentieuse proprement dite. Renforcer la procédure écrite après ces tentatives réelles de vrai débat préalable permettrait uniquement d’éviter des audiences de rôle à n’en plus finir avec des incidents divers parce que le dossier n’est tout simplement pas encore en état d’être plaidé mais aussi de découvrir tardivement et en pleine plaidoirie que des faits nouveaux ou des pièces dont on n’a jamais entendu parler de part ou d’autre soient mises en exergue sans pouvoir être répondues valablement avec des arguments et des pièces à l’appui dont on peut être dépourvu au moment de l’échange verbal. L’exigence des règles de la procédure écrite permettent aussi plus aisément aux juridictions de vérifier que la préparation des débats a été loyale et sinon de faire respecter cette loyauté en sanctionnant la partie défaillante dans sa communication avant la plaidoirie qui est un moment d’oralité nécessaire pour expliquer et répondre aux questions qui peuvent se poser. Au regard de l’encombrement des tribunaux, doit on considérer qu’il reste dans la mission du juge de concilier en personne celles-ci. Ce n’est pas sûr à l’instar de ce qui est préconisé devant les juridictions civiles, l’étape de conciliation et/ou de médiation deviendra obligatoire pour s’assurer qu’un rapprochement a été tenté qui permet aussi de faire la lumière sur les réels besoins et faire émerger des solutions nouvelles pas même envisagées bien souvent par aucune des deux parties. Le dialogue doit être possible et le plus constructif possible. Il n’est pas possible d’avancer en s’invectivant et en restant sur des positions inconciliables au risque de tout perdre. Ce n’est pas là du tout l’intérêt des parties. Bien sûr, il y a des positions qui sont respectables et qui justifieront la saisine d’un juge pour les trancher. A force de vouloir laisser penser qu’à simplifier, on résoud mieux les choses, il faut également voir qu’un litige de droit du travail est plus complexe qu’il n’y parait de prime abord et qu’il faut être conseillé valablement par des professionnels pour développer des arguments recevables. C’est ainsi que cette nouvelle procédure de rupture conventionnelle n’est pas la panacée même si le but louable a été d’éviter à un salarié de se voir imposer les règles lourdes de demande de licenciement et ses conséquences judiciaires quand il veut pouvoir partir vite et bien. A défaut, il prend le risque de se voir privé des allocations chômage parce qu’il a pris l’initiative de départ qui devrait être qualifiée de démission. Il faut rappeler à cet égard que les partenaires sociaux ont souhaité pouvoir se dispenser des professionnels du droit de sorte que le contrôle en est confié à la direction du travail. En pratique, il faut présenter un accord signé sur le principe de la rupture du contrat et sur le montant de l’indemnité conventionnelle et c’est sur ce seul dernier point que tout se joue bien souvent sans le moindre dialogue direct pour ne pas se mettre en difficulté car chacun a dans la plupart des cas peur de commettre des impairs qui le desserviront en cas d’échec. Pour rédiger et/ou accepter un accord, faut il pouvoir connaître un minimum ses droits et les préserver selon une appréciation de la cause réelle du départ. Il est donc plus qu’utile de recourir aux services d’un avocat au préalable faute de quoi, il faudra ensuite recourir aux tribunaux pour obtenir une éventuelle nullité d’un accord mal compris. C’est valable pour les salariés mais aussi pour les petits entrepreneurs. Une médiation ou une procédure de droit collaboratif peut aussi permettre de réinstaurer un vrai dialogue pour la mise en oeuvre d’un accord. Cela n’a pas été dit mais reste possible. (Cf sur le droit collaboratif ou procédure participative et le droit du travail un exemple ici). Bien évidemment, il y a un coût du Conseil juridique. Il n’y a pas lieu de pousser des cris d’orfraies, tout travail mérite rémunération mais dans un cadre amiable, la prise en charge des frais d’avocat pour assistance n’est pas assurée pour ceux qui seraient démunis pour pouvoir en payer un par l’aide juridictionnelle et le recours à l’assurance de protection juridique ne permet pas plus de consulter librement un avocat en dehors d’une procédure judiciaire. C’est cela qui n’est pas normal. Ce coût doit alors pouvoir être intégré dans la prise en considération des frais de celui-ci sauf qu’en cas d’accord, la règle est bien souvent que chacun garde souvent ses propres frais à charge. La partie économiquement plus faible peut s’en trouver défavorisée principalement si la cause de départ s’avère équivoque et ne résulte pas d’un choix personnel de souhaiter voir ailleurs si la prairie est plus verte ou d’avoir déjà un autre poste en vue. En conclusion, il faut effectivement ne jamais se priver d’une phase de vrai dialogue et d’écoute de l’autre et savoir user des modes alternatifs de résolution des conflits à savoir la négociation, la médiation, la conciliation et savoir pour ce faire recourir à des professionnels compétents de préférence avant de s’enliser dans une procédure comportant des aléas certains parce qu’on croit à tort que le litige en droit du travail comme souvent en autre matière se limite à « c’est simple parce que j’ai raison ! ».