C’est l’ANM qui a attiré mon attention sur cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 17 octobre 2012. Il s’agissait d’une saisine de la juridiction prud’homale par une salariée après une prise d’acte de rupture qu’elle voulait voir requalifiée en licenciement du fait de l’employeur avec demandes indemnitaires à l’appui. Elle refusait d’effectuer les tâches définies dans le descriptif de poste, situation qui avait entraîné un conflit avec sa supérieure hierarchique avec lequel elle refusait de travailler. L’employeur avait soulevé deux moyens de droit et c’est le premier qui invoquait notamment: …. »4°/ que seul un manquement suffisamment grave de l’employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier la prise d’acte de la rupture et que, sauf cas de harcèlement ou de danger immédiat, l’employeur est seul maître de l’organisation interne de l’entreprise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait requalifier la démission de Mme X… en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en se bornant à énoncer que la société Moria avait refusé la médiation préconisée par l’inspection du travail et n’avait pas cherché à changer la salariée de bureau ou de service pour remédier aux conflits, quand elle devait rechercher, comme elle y était invitée, si, dès que Mme X… s’était plainte de difficultés relationnelles avec sa responsable, l’employeur n’avait pas fait preuve d’une vigilance accrue en la recevant à plusieurs reprises, en invitant, par courrier du 16 mars 2005, l’inspection du travail à se rendre sur place aux fins de procéder aux constatations utiles et en convoquant en réunion extraordinaire le CHSCT dès le 24 mars 2005 et, si la salariée n’avait pas elle-même rompu ce processus mis en place par l’employeur pour mettre un terme au conflit entre les antagonistes, en démissionnant subitement dans l’espoir de bénéficier des avantages d’un licenciement ; qu’ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 1221-1, L. 1231-01, L. 1235-1, L. 1237-2 du code du travail ; Mais attendu que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que la salariée avait refusé d’exécuter à tort des tâches qui lui incombaient et qu’elle était responsable du conflit s’étant instauré avec sa responsable hiérarchique, a, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, constaté que l’employeur avait laissé perdurer un conflit sans lui apporter de solution et que ce manquement, dont elle a fait ressortir le caractère suffisamment grave, justifiait la prise d’acte de la rupture ; que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, n’est pas fondé ; … » C’est donc un rejet. Certes, c’est tout de même un peu sévère puisque la salariée refusait d’accomplir les tâches qui lui incombaient surtout quand on voit qu’en fait la médiation préconisée par l’inspection du travail ou une organisation tierce n’a pas été mise en oeuvre sur une préconisation excessive de la part de l’inspection du travail qui semble avoir visé à refuser la participation du DRH dans cette médiation qui a opéré une réticence de l’employeur. En fait, c’est au médiateur d’apprécier en réunissant les parties au conflit s’il est nécessaire ou non de faire venir d’autres personnes à la médiation. Il n’est pas même certain que la salariée aurait accepté elle-même une médiation avec sa responsable hiérarchique mais le tort de l’employeur est de ne pas l’avoir proposée. Il est évident qu’il faut accepter une tentative de médiation même si dans le cas présent, on peut douter de son efficacité puisque le noeud du problème était que la salariée refusait d’obtempérer et tout simplement d’exécuter son contrat de travail. Mais il est vrai aussi qu’elle aurait pu permettre aux deux personnes en conflit de repartir la tête haute pour continuer à travailler ensemble. C’est en quelque sorte cette perte de chance qui a été sanctionnée alors que l’employeur n’a pas non plus recouru à un autre moyen de résolution des conflits. Et en effet, il résulte de ma propre expérience de médiateur en entreprise qu’elle permet d’éviter l’aggravation du conflit et de trouver des solutions honorables à la sortie d’un conflit quitte à appeler le DRH pour discuter de la viabilité des solutions envisagées. Et là, c’est bien l’inspection du travail qui a eu tort d’imposer des conditions avant même que le médiateur n’intervienne entre les parties en conflit. La médiation c’est « gagnant-gagnant », il en ressort toujours quelque chose de positif qui permet d’avancer.